Pas d’obligation de payer les travaux sans devis signé. Une société de maçonnerie réalise des travaux pour un client sans devis signé. Après avoir versé 2 acomptes, le client arrête de payer. Une procédure judiciaire est engagée par la société de maçonnerie afin d’obtenir le paiement des travaux. La justice a estimé que, sans devis signé, le versement des acomptes ne prouve pas l’acceptation du client pour les travaux réalisés.
Pas d’obligation de payer les travaux sans devis signé. La Cour de cassation a donc été amenée à trancher un litige opposant une société de travaux à un client qui refusait de payer des travaux non acceptés. Dans une décision du 18 janvier 2024 (Cass. Civ 3, 18.1.2024, P 22-14.075) la Haute juridiction a jugé qu’en l’absence de devis accepté, le paiement d’un acompte sur des travaux ne prouve pas, que le client ait accepté leur exécution et le prix demandé.
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Origine de l’affaire
L’affaire concerne un litige entre la société Les Jardins du Fort, maître d’ouvrage, et la société Ferreira Construction, entreprise de travaux.
Le contrat initial prévoyait la réalisation de travaux pour lesquels un devis avait été accepté. Cependant, au cours de l’exécution du chantier, des travaux supplémentaires ont été effectués, sans qu’un accord explicite sur leur coût ne soit formellement consenti par Les Jardins du Fort.
La société Ferreira Construction a alors réclamé le paiement de ces prestations supplémentaires, tandis que la société Les Jardins du Fort a contesté ces demandes, arguant que les travaux non prévus initialement n’avaient pas été approuvés dans leur intégralité, notamment en ce qui concerne leur coût.
La société Ferreira Construction, après avoir achevé les travaux, a initié une procédure d’injonction de payer pour récupérer les montants qu’elle estimait dus. Face à cette injonction, Les Jardins du Fort a fait opposition, ce qui a mené les parties devant les juridictions civiles.
Arguments des parties
Les Jardins du Fort :
La société Les Jardins du Fort a principalement contesté la demande de paiement des travaux supplémentaires au motif qu’elle n’avait pas donné son consentement préalable au coût des travaux additionnels. Selon elle, le contrat initial ne couvrait que les prestations spécifiées dans le devis accepté, et toute modification ou ajout devait faire l’objet d’un nouvel accord, incluant un accord explicite sur le prix. En l’absence de cet accord, Les Jardins du Fort a estimé qu’elle n’était pas tenue de régler les montants réclamés par Ferreira Construction.
Elle a également souligné que le seul paiement partiel ne pouvait être interprété comme une acceptation tacite de l’ensemble des coûts supplémentaires.
Ferreira Construction :
De son côté, Ferreira Construction a soutenu que Les Jardins du Fort avait accepté les travaux supplémentaires de manière implicite.
Elle a notamment avancé que le paiement partiel effectué par Les Jardins du Fort pour ces prestations, ainsi que l’absence de contestation immédiate, constituaient une preuve suffisante de l’accord sur le prix des travaux supplémentaires.
Ferreira Construction a également fait valoir que les travaux avaient été réalisés dans l’intérêt de Les Jardins du Fort, qui en avait bénéficié, ce qui légitimait sa demande de paiement intégral.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation a été saisie pour examiner si la cour d’appel avait correctement apprécié l’existence d’un accord sur le prix des travaux supplémentaires. La cour d’appel avait conclu que le paiement partiel et l’absence de contestation immédiate équivalaient à une acceptation tacite du coût des travaux supplémentaires. La Cour de cassation a toutefois rejeté cette approche.
La Cour a rappelé que, selon le droit des contrats, un accord sur le prix est une condition essentielle pour que le paiement des travaux supplémentaires soit exigible. Elle a précisé qu’une acceptation implicite ne pouvait être déduite uniquement du paiement partiel ou du silence de la partie contractante, surtout en l’absence de preuve d’un accord préalable clair. Ainsi, elle a cassé l’arrêt de la cour d’appel pour défaut de base légale, estimant que cette dernière n’avait pas suffisamment vérifié l’existence d’un consentement exprès ou implicite au prix des travaux supplémentaires.
L’affaire a donc été renvoyée devant la cour d’appel de Montpellier pour un nouvel examen. La cour d’appel devra cette fois analyser de manière plus approfondie les éléments de preuve présentés par les deux parties pour déterminer si Les Jardins du Fort a effectivement consenti, de manière explicite ou implicite, au paiement des travaux supplémentaires réclamés par Ferreira Construction.
Conclusion
Cette affaire met en lumière l’importance du consentement éclairé et formel en matière de contrats de travaux, notamment lorsqu’il s’agit de prestations supplémentaires non prévues initialement.
La décision de la Cour de cassation souligne que pour exiger le paiement de travaux non prévus dans le contrat initial, l’entrepreneur doit prouver qu’un accord préalable sur le prix a été expressément donné. Cette jurisprudence rappelle aux parties prenantes l’importance de bien documenter tout changement ou ajout au contrat initial afin d’éviter tout litige ultérieur sur le paiement des prestations.
Les entreprises de travaux doivent être particulièrement vigilantes à obtenir un accord écrit pour toute modification contractuelle, tandis que les maîtres d’ouvrage doivent veiller à ne pas laisser des prestations supplémentaires être réalisées sans avoir clarifié et consenti au coût de celles-ci.
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