Quand l'agent immobilier oublie de transmettre une offre, cela peut coûter cher
La responsabilité des agents immobiliers est un sujet récurrent en droit immobilier, notamment lorsqu’il s’agit de la transmission des offres d’achat. L’arrêt de la Cour d’appel de Metz du 23 janvier 2024 (n° 21/01961) apporte un éclairage intéressant sur les conséquences d’une telle omission. Analysons cette décision en détail et mettons-la en perspective avec la jurisprudence antérieure et le cadre légal en vigueur.

Les faits de l’affaire
La SCI GPV Invest, spécialisée dans l’investissement immobilier, a émis, par l’intermédiaire de la SARL Nenich Immobilier (agissant sous l’enseigne Pro Comm), une offre d’achat le 26 janvier 2016. Cette offre portait sur des locaux professionnels situés à Lauvallière et était valable jusqu’au 4 février 2016. Le vendeur, la SAS Transgourmet Immobilier France, n’a pas donné suite à cette offre et a finalement vendu le bien à un autre acquéreur pour un prix inférieur de 100 000 € à celui proposé par la SCI GPV Invest.
Estimant que l’agent immobilier avait délibérément omis de transmettre son offre afin de favoriser un autre acquéreur, la SCI GPV Invest a assigné la SARL Nenich Immobilier en justice, réclamant des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
La décision de la Cour d’appel de Metz
La Cour d’appel de Metz a reconnu la faute de l’agent immobilier pour ne pas avoir transmis l’offre d’achat dans le délai légal de huit jours, conformément à l’article 77 du décret du 20 juillet 1972. Cette omission a privé le vendeur d’une opportunité de conclure la vente à un meilleur prix. En conséquence, une perte de chance de 30 % a été retenue, entraînant la condamnation de l’agent immobilier à verser 30 000 € de dommages et intérêts au vendeur, ainsi que les frais de procédures et dépens de l’instance.
La responsabilité des agents immobiliers en cas de non-transmission offre d’achat
L’article 77 du décret du 20 juillet 1972 impose à l’agent immobilier l’obligation d’informer son mandant dans les huit jours de l’accomplissement du mandat, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout autre écrit remis contre récépissé ou émargement. Cette disposition vise à garantir la transparence et la loyauté dans les relations entre l’agent immobilier et son mandant.
La jurisprudence a régulièrement rappelé l’importance de cette obligation. Par exemple, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 31 octobre 2017 (n° 16/00969), a sanctionné un agent immobilier pour non-transmission d’une offre d’achat au prix du mandat. De même, la Cour d’appel de Chambéry, le 1er juin 2021 (n° 19/00187), a considéré que l’absence de transmission d’une offre sérieuse privait le vendeur d’une opportunité de vendre à de meilleures conditions, justifiant ainsi une indemnisation.
La non-transmission d’une offre d’achat constitue une faute engageant la responsabilité civile de l’agent immobilier. Cette faute peut entraîner diverses sanctions, telles que :
Indemnisation du préjudice subi par le mandant : Le vendeur peut être indemnisé pour la perte de chance de conclure la vente à de meilleures conditions. Dans l’affaire étudiée, cette perte de chance a été évaluée à 30 %, correspondant à 30 000 € de dommages et intérêts.
Réduction ou suppression de la rémunération de l’agent immobilier : En cas de manquement à ses obligations, l’agent immobilier peut se voir privé de sa commission ou voir celle-ci réduite. Cette sanction vise à rappeler l’importance du respect des obligations professionnelles.
L’arrêt de la Cour d’appel de Metz du 23 janvier 2024 s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure en matière de responsabilité des agents immobiliers. Il rappelle avec force l’obligation stricte de transmettre toute offre d’achat reçue dans les délais légaux et souligne les conséquences potentielles en cas de manquement à cette obligation. Les agents immobiliers doivent donc faire preuve de rigueur et de diligence dans l’exécution de leur mandat pour éviter de telles sanctions.